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Rachel Monnat / Accrosens

Rachel Monnat / Accrosens

Parler de la vie, de la sexualité...


Vivre l'amour

Publié par Rachel Monnat sur 19 Octobre 2018, 08:45am

Catégories : #sexualite, #livres

de Auguste Rodin

de Auguste Rodin

Je viens de lire le roman de Serge Marquis : « Le jour où je me suis aimé pour de vrai ». Il y a de nombreuses pépites ! On y parle d’amour, de l’ego, de la vie, des injustices…

Voici un extrait. Charlot, jeune adolescent, raconte à sa mère « sa première fois » avec Marie-Lou, la fille qu’il aime depuis son enfance qui a été muette pendant de nombreuses années. Charlot est atteints d’une maladie et il a perdu la vue. Sa mère, la narratrice, est médecin-chef, neuropédiatre et s’occupe des enfants atteint du cancer.

« - J’ai fait l’amour avec elle. Elle voulait être la première. J’ai découvert qu’embrasser est l’une des meilleures façons d’écouter. C’est fou tout ce qu’on entend avec les lèvres. (…) Quand je pose mes lèvres sur elle, je sens la vie qui circule sous sa peau, Maman. Mes lèvres ont plus que jamais soif de vie. Terriblement soif. (…) C’est la vie qui se cherche elle-même, et qui se trouve. Je pense que c’est ça qui arrive, quand on s’embrasse.

La sexualité n’était pas un problème pour lui, mais une expression artistique. Jamais le cliché « l’amour est aveugle » ne m’était apparu plus juste. Quand je les regardais, je les enviais. Leurs mains constamment nouées m’agaçaient tellement ! Leurs baisers me fatiguaient. Charlot n’avait même pas besoin de fermer les yeux pour aller au bout d’une sensation. Sa maladie accentuait l’intensité de son rapport au plaisir, j’en aurais mis ma main au feu.

- Quand j’ai envie de faire l’amour, Maman, c’est le monde entier qui s’en mêle. Je veux dire toute l’évolution, toute l’histoire de la vie qui charge comme une horde de chevaux à travers mes cellules. C’est très difficile à supporter et c’est en même temps enivrant. Une violente charge du monde à travers le corps. Ça doit te dire quelque chose, à toi, la passionnée de biologie ?

Si tu savais tout ce que ça me dit, Charlot. Tout ce vide que ma biologie ressent. Si tu savais…

- C’est avec mes mains que je la regarde. C’est bizarre, avant, quand elle ne parlait pas, je l’écoutais avec mes yeux. Maintenant, je la vois avec mes mains.

Je lui enviais ses mains, le pouvoir de ses mains. Charlot dut « entendre » mes pensées.

- C’est fou tout ce qu’on voit quand on ne voit plus rien. La différence entre « aimer » et le besoin d’être choisi coûte que coûte.

« Le jour où je me suis aimé pour de vrai » de Serge Marquis, Editions de La Martinière, Paris, 2015, p. 166-167

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