Je suis encore en train de creuser le thème de l'abstinence...
A nouveau un témoignage autobiographique sur ces trois années d'abstinence. Par rapport à "l'envie" de Sophie Fontanel, celui-ci est plus fort dans la souffrance. On sent l'auteur la déception, l’écœurement et le manque d'être aimé. Dans le précédent on sentait un choix plus libérateur qui lui permettait d'être à l'écoute de prendre du recul et d'observer les relations autour d'elles.
Ici, elle livre son parcours qui passe de la souffrance à la reconstruction et la confiance en soi.
Un livre qui se lit très facilement, elle nous captive. Elle dit parfois les choses un peu crûment et durement, mais aussi pleine de vérité (même si c'est de loin pas une généralité...).
" Le sexe représentait le passage obligé pour accéder à l'amour.
C'était une époque troublée, celle de la rue de Paradis, je n'économisais ni mes émotions ni mon argent. En présence d'un homme, j'enlevais ma culotte comme on enlève ses gants.
Je n'ai pas peur des hommes, c'est de moi que j'ai peur. Je leur ai toujours donné les clés de la ville, je ne leur ai rien interdit, rien, pas étonnant qu'ils se soient tout autorisé. Pas de viol, pas de coups, juste une violence ordinaire d'hommes mal élevés. Cette phrase de Brel, je l'ai souvent répétée: "Je sais, on fait ce qu'on peut, oui, mais il y a la manière." Il faut bien admettre que la manière, ils ne l'avaient pas....
Je ne les comprends pas quand ils parlent de gérer et qu'ils mettent des barrières pour canaliser mes élans. C'est fou tout ce que les hommes ont à gérer, une fois leur désir assouvi. Ils s'occupent de la gestion de leur culpabilité, de leur envie de fuir, de leur indifférence, de leurs peurs. Et moi de la tristesse, de l'abandon, de ce vide qu'ils creusent en moi. Ils m'ont souvent dit "les choses sont claires", pour justifier la pauvreté de leurs engagements. C'est de ma faute aussi: qu'est-ce que j'ai à transformer en amour toutes mes histoires de cul?
Quand je quittais un homme, je lui offrais des compensations. J'étais la reine du pardon je laissais souvent entendre que ce n'était pas grave de me faire du mal. J'éprouvais de l'orgueil à être si charitable, si compréhensive devant leurs peurs, leurs revirements, leurs démissions."
"Petits arrangements avec... le désir" de Chantal Bourbigot, Editions de la Martinière, 2002