Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Rachel Monnat / Accrosens

Rachel Monnat / Accrosens

Parler de la vie, de la sexualité...


L'écriture de Je suis mort

Publié par Rachel Monnat sur 8 Mars 2023, 15:01pm

Catégories : #Accrosens, #livres, #conscience, #histoires vécues, #témoignage, #la vie

L'écriture de Je suis mort

Est-ce que j’ai le syndrome de la page blanche ? Comment est-ce que j’ai écrit  Je suis mort ? Ce sont les questions qui reviennent…

Je suis mort est écrit sous forme de témoignages. Six hommes racontent leur vie, leur passage à la mort et nous lèguent leur expérience… Ils ont entre 12 et 92 ans et ont vécu chacun une mort très différente : un accident de voiture, un suicide… Ils sont morts, ils ne sont donc pas revenus sur terre…

Cela fait quelques années que je m’intéresse au sujet de la mort, que j’y réfléchis, j’ai lu des témoignages sur les expériences de mort imminente, ainsi qu’une autobiographie de Jacques Fesch, le journal d’un homme dans le couloir de la mort. J’ai lu ce dont j’avais envie, pour m’imbiber de quelques sensations… Mais je n’ai pas cherché à trop me documenter. Je voulais écrire en étant vierge, je voulais faire parler mes morts, retranscrire leur sensation comme eux l’ont vécue, en la découvrant avec leurs yeux, en m’imprégnant de ce qu’on ressent quand on meurt de cette façon.

Normalement, j’écris le matin, c’est mon heure de prédilection. Souvent, je ne sais pas ce que je veux écrire, mais je sais quand je m’y attelle ; le temps d’écriture est sacré. Je me réveille, j’ouvre mon ordinateur sur une petite table de lit, je pose les doigts sur le clavier et je laisse les choses venir…

Je me sentais perdue pour écrire le cinquième témoignage, je n’avais aucune idée, comment amener les choses. Je savais son âge, le type de mort et j’entrapercevais ce qu’il en retirait… mais je ne voyais ni l’entourage, ni le milieu, ni comment amener les éléments… c’était le néant. Je voulais écrire le lendemain matin sur ce sujet… Mais, ayant peur de me retrouver devant la page blanche, j’ai voulu anticiper en m’imprégnant de mon personnage, la veille. À 17 h, je décide de consacrer une demi-heure, pour entrapercevoir un horizon. J’allume mon ordinateur, j’ouvre une page Word et je pose mes dix doigts sur le clavier. Je bénis le ciel d’avoir appris la dactylo ! Je pose un mot, une phrase, une deuxième… je reprends, je repose, j’imagine son père, sa mère… leurs métiers, ah non… plutôt cela… oui c’est ça ! Cela fonctionne ! Et comment ça s’est passé ? Comment ça a pu se passer ? Avec qui ? Je pose les mots, ah non… je reprends… ahhh… c’est cela… Je vois ! Au bout de dix minutes, un univers s’ouvre… J’entends, je sens les personnes, mes doigts pianotent… Comme après une brume opaque, le ciel s’éclaircit, le soleil apparaît, des scènes, des dialogues, des gestes, des paysages… tout se dessine… J’ai peur de tout perdre, alors je laisse courir mes doigts sur mon clavier… J’écris, j’écris… Tout ce que je ressens, tout ce que je vois… J’écris, j’écris… Je ne veux rien louper… J’écris, j’écris… Je vois trois scènes en même temps… J’écris, j’écris… je perds mon identité pour être celui qui est en moi… Je sens sa souffrance, ses joies, ses doutes… J’écris, j’écris… Je démêle tout ce qui est dans ma tête… J’écris, j’écris… Puis, ça s’espace, ça s’aère, les choses sont là, elles sont dites, tout est posé… Il est 20 heures… je n’ai rien vu… J’ai essayé de ressortir de mon personnage, mais ma nuit fut chaotique. Il a été si présent… 

Le lendemain, je reprends mon texte et comme souvent… je réécris tout ou en grand partie. Le contenu est là, mais il manque l’angle, tout est en paquets… En réécrivant, je revois d’autres scènes, d’autres éléments que je n’ai pas vus la veille, alors je creuse à nouveau… Parfois, je me surprends à découvrir des parties de mon histoire… Je reprends encore mon texte le lendemain avant de le laisser reposer quelques semaines afin de le retrouver avec des yeux neufs ! Quand je considère que le contenu est bon, complet, ordré… alors je m’attaque aux corrections : orthographe, grammaire, syntaxe… c’est un long chemin… et plus je corrige, plus je veux corriger et deviens pointilleuse pour avoir un texte léger, facilement compréhensible, rythmé…

J’écris au kilomètre, sous une forme de transe … c’est la phase de réécriture et de corrections qui est très longue. Je peux écrire un témoignage en trois heures, par contre, il me faudra trois semaines pour arriver à quelque chose d’abouti.

Souvent, quand je crois que ce jour-là je n’aurai aucune inspiration… ce sont les meilleurs jours ! Comme si enlever toute attente, me permettait de tout recevoir ! 

Une fois le contenu terminé, je m’approche de certaines personnes pour voir si mon texte, mon personnage est plausible, notamment en ce qui concerne le milieu carcéral. Et cela correspondait…

Je n’ai pas le syndrome de la page blanche ! Mais j’ai le syndrome des corrections !

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Articles récents